Tout tout sur les griffons : un animal en G méconnu

Longtemps, le griffon a oscillé entre deux mondes : classé tantôt parmi les créatures fabuleuses, tantôt dans les registres d’animaux symboliques utilisés par les civilisations antiques. Les textes anciens ne s’accordent pas sur son origine exacte.Son nom traverse les époques et les continents, porté aussi bien par les mythologues que par les naturalistes du passé. Entre contradictions des sources et multiples interprétations, le griffon demeure l’un des exemples les plus frappants d’un animal dont la nature échappe à la simple classification.

Le griffon, une créature fascinante entre mythe et réalité

Le griffon déstabilise et attire, silhouette hybride qui occupe les récits depuis la nuit des temps. Cet animal atypique conjugue la carrure massive du lion à l’élan de l’aigle. La puissance ancrée au sol épouse l’élégance de l’oiseau de proie. Arrière rassurant de félin, avant spectaculaire doté d’ailes, de serres crochues, d’un bec puissant. Certains créateurs lui ajoutent même des oreilles de cheval, de chien ou de chat, compliquant encore la tâche de quiconque voudrait le ranger dans une seule catégorie.

Rares sont les créatures qui se déclinent avec autant de variantes. L’un des avatars du griffon, l’opinicus, arbore une morphologie ramassée, quatre pattes de lion bien campées au sol, tout dans l’attitude évoque la souveraineté du fauve. Pourtant, l’origine de cette figure composite reste brouillée. Selon l’analyse d’Adrienne Mayor, paléontologue, la légende tiendrait ses racines des étendues d’Asie centrale : la découverte de fossiles de protocératops, bec d’oiseau, crâne démesuré, ossature impressionnante, aurait servi de point de départ à un imaginaire foisonnant, nourrissant la frontière entre observation et récit fantastique.

C’est cette ambiguïté qui maintient le griffon à la lisière du réel et du mythe. On le croise souvent dans les contextes suivants :

  • Gardien de trésors dans la mythologie grecque
  • Protecteur de lieux sacrés, guide des âmes après la mort
  • Figure de la justice, de la vigilance, de l’astuce

Dans les bestiaires médiévaux et les traités anciens de zoologie, la bête ne s’efface jamais vraiment des marges de l’illustration occidentale. Plus qu’un simple ornement, le griffon symbolise le pouvoir, naviguant de la force brute à la subtilité des allégories.

Quelles sont les origines du griffon à travers les civilisations ?

Son parcours débute dès le troisième millénaire avant notre ère, dans les reliefs et objets funéraires d’Élam ou d’Égypte ancienne. Là, il protège, surveille, incarne la vigilance éternelle. La Mésopotamie l’adopte à son tour, puis le griffon émerge un peu partout dans le Proche-Orient.

En Grèce antique, la créature devient vigie jalouse du trésor d’Apollon, postée chez les Hyperboréens. Les Arimaspes, redoutables brigands dotés d’un seul œil, l’affrontent dans la quête de l’or, une aventure déjà rapportée par Hérodote au Ve siècle avant notre ère. Progressivement, le motif glisse vers la Rome antique, puis se propage en Inde, en Éthiopie, en Scythie. Marco Polo, au treizième siècle, évoquera à son tour la présence du griffon à l’est.

Le Moyen Âge fait sienne la figure du griffon : bestiaires enluminés, ouvrages de savants tels Pierre de Beauvais ou Pline l’Ancien… la créature s’incruste dans les marges du réel, entre la merveille et le tangible. Son effigie s’enracine dans l’héraldique, l’art monumental, les fresques ou les manuscrits. Au fil des époques, le souffle de la légende persiste. La Renaissance, en retrouvant les textes de l’Antiquité et en brassant les légendes d’Orient et d’Occident, redonne vigueur à cet animal impossible.

Caractéristiques physiques et symboliques du griffon

Avant tout, le griffon frappe par le contraste de ses traits. Corps vigoureux, queue et pattes du lion; buste et tête d’aigle : bec recourbé, regard acéré, serres prêtes à saisir. Les oreilles oscillent, selon les œuvres, du cheval au chien en passant par le chat. Les peintres médiévaux s’en donnent à cœur joie et n’hésitent pas à l’affubler d’une crinière, d’ailes majestueuses, parfois avec des plumes envahissant jusque les membres.

Le modèle opinicus bouscule l’allure classique : quatre pattes de lion, ailes réduites ou absentes, queue raccourcie. Encore une fois, on retrouve dans ces choix l’écho des fossiles de protocératops identifiés par Adrienne Mayor, soulignant combien l’observation scientifique et l’imagination peuvent dialoguer.

Sur le plan symbolique, le griffon prend une dimension de garant, des trésors, des tombeaux, des sanctuaires. Ses griffes, réputées noircir au contact du poison, sont entourées d’histoires et attisent toutes les convoitises. Dans les armoiries comme dans la pierre, la créature condense la force, le courage, la prudence, l’intelligence et l’équité.

Dans différents contextes, voici comment le griffon s’intègre à l’univers des symboles :

  • Dans les représentations chrétiennes, il suggère la double nature du Christ, à la fois humaine et divine.
  • En Égypte, il agit comme protecteur des souverains et des sites sacrés.
  • Au Moyen Âge, on considère le griffon comme une créature tangible, affrontant les puissances du mal.

Fresques, sculptures, blasons ou gargouilles : la silhouette du griffon, gardienne et imposante, enrichit depuis des siècles l’univers symbolique de nombreuses cultures.

Griffon reposant dans une prairie verte en plein jour

Pourquoi le griffon continue-t-il de captiver l’imaginaire collectif ?

Le griffon persiste dans les rêves et les récits : sa présence court dans les bestiaires, les marges artistiques, les enluminures, la prose épique, l’héraldique, les jeux de rôle et désormais les jeux vidéo. Les enfants le découvrent dans les histoires de Harry Potter ou dans les volumes des Chroniques de Spiderwick. Les univers fantastiques l’adoptent : impossible d’imaginer Donjons & Dragons sans un griffon qui plane quelque part.

Ce regain ne s’épuise pas. Dès qu’il s’agit de protection ou de vigilance, sa figure rejaillit : des sociétés, des constructeurs, des armées s’en emparent. Quelques exemples : des grands groupes industriels, des carrosseries de véhicules blindés, ou encore des divisions militaires ont adopté le griffon. Ce choix traduit une volonté d’entretenir le lien avec la force intemporelle, celle qui traverse les générations et inspire l’unité autour d’une image qui résiste à l’usure du temps.

L’animal s’adapte, s’insinue dans les récits d’aujourd’hui, apparaît dans les médias, les romans, les écrans numériques. Le griffon, c’est ce reste de mystère, ce fragment de puissance et de merveilleux qui continue de nous relier à des horizons plus vastes. Tant que le désir de croire aux gardiens des secrets survivra, le griffon saura planer, farouche, sur la frontière invisible du rêve et du réel.